DÉFENSE ANTIAÉRIENNE

DÉFENSE ANTIAÉRIENNE
DÉFENSE ANTIAÉRIENNE

La lutte contre l’ennemi aérien en vol (aéronefs, missiles) est le domaine de la défense aérienne et de la défense antiaérienne. La première a, d’une part, une mission générale d’évaluation de la menace aérienne et, d’autre part, une mission particulière de destruction et de neutralisation de cette menace par des moyens aériens: si cette mission est remplie par des moyens au sol ou en surface, on parle de défense antiaérienne.

Les systèmes et les moyens mis en œuvre pour répondre convenablement à cette mission dépendent largement de la nature et de l’ampleur de la menace estimée. Cette menace aérienne s’est largement diversifiée depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Sa nature, les moyens qu’elle utilise pour se protéger des actions de la défense et son mode d’intervention peuvent être extrêmement variés:

– les avions sont devenus de plus en plus «furtifs», rapides et manœuvrants; ils opèrent avec un armement tiré à distance de sécurité et des moyens de brouillage et de contre-mesures appropriés;

– les hélicoptères voient leur importance s’accroître de manière considérable dans le combat aéroterrestre; ne se démasquant qu’un minimum de temps pour tirer, ils peuvent également opérer la nuit lorsqu’ils sont équipés de moyens d’observation et de tir spécifiques;

– les missiles stratégiques et tactiques peuvent intervenir après une longue navigation au plus près de la surface et attaquer leurs objectifs à des vitesses largement supersoniques;

– enfin, il ne faut pas négliger les aéronefs de faibles dimensions sans pilote (drones, avions télépilotés), qui sont prévus pour des missions d’observation ou de guerre électronique.

Selon le volume de défense qui lui sera confié, chaque système de défense antiaérienne pourra être caractérisé par ses capacités d’intervention à haute, à moyenne ou à basse et très basse altitude et par son domaine d’interception en moyenne, ou courte et très courte portée.

En pratique, c’est la mission assignée au système de défense antiaérienne qui déterminera la nature et l’ampleur des moyens dont il sera doté; mais, quel que soit ce système, il devra, pour être efficace, donner à ses utilisateurs les moyens les plus sûrs et les plus appropriés pour remplir les fonctions suivantes:

– détecter ce qui vole (surveillance de l’espace aérien);

– identifier l’objectif et se mettre en situation d’apporter éventuellement une riposte à une action hostile (prise en charge et assignation des cibles);

– mettre en œuvre la riposte dans les conditions les plus favorables (tir et guidage des munitions et des missiles).

Toutes ces actions sont à conduire dans une ambiance de contre-mesures électroniques, la défense disposant, quant à elle, de dispositifs appropriés de contre-contre-mesures.

1. Du canon aux missiles

On peut considérer que la défense antiaérienne est née en France au début du XXe siècle, avec la note adressée le 27 avril 1900 au ministère de la Guerre par le lieutenant-colonel Sainte-Claire Deville, directeur de la section technique de l’artillerie, sur un programme de recherche des moyens d’attaquer les dirigeables.

Des essais préliminaires eurent lieu en 1907 au camp de Mailly avec des canons de 75 de campagne et des canons de 75 sur plate-forme de côte, et le 6 juin 1908 commençait à l’atelier de construction de Puteaux l’étude d’un autocanon de 75 contre ballons. Ce matériel, après de nombreux essais, était adopté par l’armée française le 30 janvier 1913.

Ce n’est que pendant la Première Guerre mondiale que la défense antiaérienne s’est vraiment développée, principalement en France sous l’impulsion du chef d’escadron Pagézy. Cette défense était toujours fondée sur l’emploi de canons de 75, et il a fallu attendre 1923 pour voir les premières mitrailleuses antiaériennes de 13,2 mm, puis de 25 mm. La méthode de tir utilisée, qu’il s’agisse de canons ou de mitrailleuses, était le tir direct: le servant visait l’objectif au moyen d’un correcteur de tir tenant compte du déplacement probable de l’avion pendant la durée de trajet du projectile.

Le tir indirect est apparu vers 1932 avec la réalisation des premiers postes centraux de tir. Ces postes, équipés de lunettes de visée, et éventuellement d’un télémètre optique, élaboraient des éléments de tir qui étaient suivis par les servants des canons grâce à des télétransmissions électriques. Ils ne permettaient le tir de nuit qu’avec des projecteurs d’emploi difficile. Différents procédés de repérage par le son étaient à l’étude, mais aucun ne donna vraiment satisfaction.

La première révolution dans la défense antiaérienne a été l’utilisation de radars pour la détection des avions pendant la Seconde Guerre mondiale. Enfin était trouvé un moyen efficace de repérage des avions, pouvant fonctionner de nuit et par mauvais temps. Le radar permettait non seulement de diriger le tir de l’artillerie antiaérienne, mais également d’assurer le guet à grande distance. La bataille d’Angleterre fut gagnée par l’aviation britannique au cours de l’été de 1940 grâce au guet par radar, employé pour la première fois pour alerter et contrôler les chasseurs du Fighter Command . La détection électromagnétique allait même être utilisée dans les fusées d’obus, appelées fusées de proximité ou fusées à influence, pour déclencher automatiquement l’éclatement du projectile au moment de son passage à hauteur de l’objectif.

La seconde révolution a consisté en l’utilisation de missiles autopropulsés et guidés. Conçus pendant la Seconde Guerre mondiale, ils n’ont été adaptés qu’après 1945 à la défense antiaérienne, dont ils constituent maintenant l’élément essentiel.

La plupart des nations modernes disposent principalement de systèmes à base de missiles guidés pour assurer leur défense antiaérienne. Le déclin du canon résulte des difficultés rencontrées pour le rendre véritablement efficace vis-à-vis des menaces aériennes, devenues très manœuvrantes et pouvant se situer à des altitudes et portées où le missile guidé s’est finalement révélé supérieur.

Les avantages du canon sont essentiellement un rapport relativement faible entre la valeur des munitions tirées et le coût de la cible détruite, une certaine résistance aux contre-mesures du fait de la vitesse des munitions et de leur trajectoire balistique. Mais la conduite de tir du système (visée sur objectif futur) ne permet pas une grande précision en dehors des très courtes portées; aussi, les canons trouvent-ils maintenant leurs principales applications dans des missions spécifiques, comme l’autodéfense ultime de sites fixes et de bâtiments navals ou la lutte contre les hélicoptères et les véhicules blindés.

À l’inverse, les missiles guidés présentent l’avantage d’admettre, au départ, une certaine imprécision sur leurs objectifs, imprécision qui peut être corrigée au cours de leur temps de vol: plus volumineux, ils peuvent en général emporter une charge plus importante, et la probabilité de destruction des cibles est meilleure. À leur désavantage, leur utilisation est difficile à très courte distance (sécurité de tir et position mal déterminée) et ils doivent de plus en plus être protégés contre les procédés de leurrage.

Dans ces conditions, les systèmes canons paraissent plus complémentaires que concurrents des systèmes missiles: cela est particulièrement vrai pour la défense des bâtiments navals, souvent équipés des deux systèmes.

En revanche, afin de leur conserver des capacités de mobilité intéressante, les systèmes installés sur véhicules terrestres emportent soit des missiles, soit des canons: souvent, ces derniers sont destinés non seulement aux actions antiaériennes, mais également au combat aéroterrestre (véhicules et hélicoptères); néanmoins, des ensembles emportant à la fois des canons et des missiles à très courte portée commencent à apparaître.

2. Les fonctions à assurer

La fonction de surveillance de l’espace aérien

Sans négliger l’observation visuelle ou à l’aide d’instruments optiques (guet aérien), toujours utile en dernier ressort, la fonction de surveillance est le domaine privilégié du radar (cf. figure).

La détection électromagnétique par radar

En 1886, Heinrich Hertz fit observer que, en dehors de la longueur d’onde, il n’y avait pas de différences essentielles entre les ondes lumineuses et les ondes électromagnétiques; de nombreux chercheurs ont tenté depuis lors d’exploiter cette remarque pour détecter des objets dans l’espace.

En 1935, le Britannique Robert A. Watson-Watt eut l’idée d’utiliser l’émission d’une impulsion électromagnétique pour calculer la distance radiale d’un objet en mesurant le temps s’écoulant entre l’émission de cette impulsion et son retour après réflexion sur la cible: le principe du radar (radio detection and ranging ) était né. Les efforts technologiques importants effectués dès lors pour réaliser des tubes hyperfréquences (magnétrons) capables de puissances élevées permirent la mise au point et l’emploi effectif des premiers radars dès 1940.

Le progrès décisif amené par l’utilisation du radar est que cette technique permet non seulement de localiser (parfois même de reconnaître) des cibles, mais également de mesurer leurs vitesses par rapport au poste d’observation de jour comme de nuit (effet Doppler).

Les systèmes d’armes antiaériens peuvent aussi être connectés à des réseaux de radars de surveillance générale de l’espace, comme le système d’alerte et de contrôle aéroporté A.W.A.C.S. (airbone warning and control system ), ou disposent eux-mêmes de leur propre radar, souvent appelé alors radar d’acquisition, dont la couverture est adaptée aux capacités de tir du missile. Ces radars sont généralement à antenne tournante (en moyenne 1 tour/seconde) et permettent de présenter sur des écrans panoramiques une situation aérienne globale. Ils sont conçus pour donner les indications suffisantes, en distance et en direction, qui permettent à une unité de tir d’accrocher l’objectif et de le prendre à partie.

Les radars de surveillance pour la défense antiaérienne présentent néanmoins quelques insuffisances:

– situés au sol (ou pas très loin de lui), leurs possibilités de détection des cibles à basse altitude sont limitées par les phénomènes de fouillis de sol ou de mer;

– émettant une onde électromagnétique, ils sont facilement détectables (dès lors, ils peuvent être soit brouillés, soit pris à partie par des missiles antiradars s’ils ont pu être localisés par l’ennemi);

– l’information sur les cibles n’est renouvelée qu’à la fréquence de rotation des antennes.

Pour pallier ces inconvénients aux courtes distances (jusqu’à 20 ou 30 km), on fait maintenant de plus en plus largement appel à des dispositifs de détection infrarouges: étant passifs, ils ne se dévoilent pas à l’adversaire et donnent, de jour comme de nuit, des images plus reconnaissables des cibles.

De même, dans certains cas, les radars panoramiques à antenne tournante peuvent être avantageusement remplacés par des radars à balayage électronique multifonctions qui permettent d’assurer également les opérations de poursuite.

La détection optronique

La détection optronique, ou détection infrarouge, est fondée sur l’exploitation de trois phénomènes:

– émission de rayonnement thermique à large bande spectrale dans l’infrarouge par les objets «chauds»;

– transmission favorable de ce rayonnement dans l’atmosphère dans certaines bandes (1-1,5 mm, 3-5 mm et 8-12 mm);

– détection possible aux basses températures de ce rayonnement par des semi-conducteurs spécifiques, tels que HgCdTe, PbSnTe ou InSb, grâce à des modifications de leurs caractéristiques électriques.

Les progrès technologiques réalisés depuis les années 1970 ont favorisé la mise au point, à des coûts limités et dans des dimensions réduites, de caméras thermiques utilisables tant pour des opérations nocturnes que diurnes: ces images, analysées ensuite par calcul, peuvent permettre d’obtenir une veille automatique infrarouge.

La fonction de prise en charge et d’assignation

Dès lors qu’un objet a été repéré, le système d’arme antiaérien doit l’identifier comme éventuellement hostile et affecter à une arme la mission de l’intercepter et/ou de l’éliminer.

L’identification s’effectue par des systèmes I.F.F. (interrogation friend or foe ). Depuis 1939, plusieurs générations d’équipement se sont succédé; les systèmes existant actuellement utilisent le principe suivant: un signal d’interrogation (électromagnétique) est émis en direction de la plate-forme détectée; si cette plate-forme interrogée est «amie», elle décode et reconnaît le signal d’interrogation; une réponse est alors envoyée à l’interrogateur et évaluée par ce dernier.

Bien entendu, ces systèmes doivent être particulièrement protégés contre le brouillage et l’intrusion des ennemis; ils sont donc cryptés et, à l’avenir, ils seront encore mieux prémunis contre la «guerre électronique» par étalement du spectre d’interrogation.

La fonction de tir et de guidage

Les unités de tir antiaérien sont conçues en fonction d’une mission particulière à remplir: bien que leur importance relative par rapport aux systèmes à base de missiles guidés ait diminué, il existe encore de nombreuses armées et marines équipées de canons; toutefois, leurs utilisations restent le plus souvent limitées à des actions d’autodéfense ou de défense rapprochée. En revanche, les missiles autopropulsés ont des capacités d’intervention à plus grande distance et leur guidage permet une meilleure précision de tir et une grande efficacité terminale; les conduites de tir, utilisées pour contrôler la trajectoire de ces missiles et permettre d’éviter qu’ils soient leurrés par leurs objectifs pendant leur temps de vol, s’appuient sur des méthodes et techniques extrêmement variées. Dans la pratique, les systèmes en service ou à l’étude se sont développés autour des principes de guidage suivants: téléguidage par alignement, guidage par autodirecteur (système «tire et oublie»), guidage inertiel pendant la première phase du vol, puis autoguidage terminal. La propulsion des missiles s’effectue généralement en un ou deux temps: dans ce dernier cas, le premier, assez court, est une phase d’accélération, le second est une phase de croisière pendant laquelle le missile peut être propulsé ou non.

Les unités antiaériennes

Dans les forces terrestres mobiles, l’emploi des armes de défense antiaériennes est généralement confié à des unités spécialisées au sein d’une artillerie sol-air. La nécessaire mobilité de ces forces d’accompagnement et de protection, dont l’emploi doit être coordonné au sein d’une manœuvre générale, leur impose quelques particularités de conception: légèreté maximale, rapidité de déploiement, concentration des postes de commande. La défense des sites fixes ou semi-fixes (tels que zones urbaines, ouvrages d’art, aérodromes, flotte maritime ou tout objectif d’importance) où ne s’imposent pas les mêmes contraintes permet, en revanche, des systèmes plus lourds de défense antiaérienne dont la conception et l’organisation doivent être adaptées à chaque cas particulier. Quoi qu’il en soit, les missions d’un système de défense antiaérienne doivent tenir compte des performances de chacun de ses composants: capacité de surveillance, portée des missiles, etc. Les systèmes à moyenne portée assurent une protection d’ensemble et prennent en charge les menaces les plus lointaines et, souvent, les plus performantes; leur action est complétée par celle des systèmes à courte et à très courte portée, qui assurent plus particulièrement la couverture de la basse et de la très basse altitude. La protection ultime, en deçà de la limite courte de ces derniers, est dévolue aux systèmes canons.

Pour définir le meilleur système, on a souvent recours à des simulations technico-opérationnelles qui permettent de configurer au mieux le dispositif global le plus efficace à retenir face à divers types d’attaque. De même, la formation et l’entraînement des tireurs font largement appel à des moyens informatiques qui permettent, soit sur des postes de travail isolés, soit dans des centres de simulation adaptés, une instruction accélérée, plus efficace et à moindre coût.

Le futur

Dans l’avenir, les progrès techniques dans le domaine du radar, de l’optronique, de la transmission et du traitement de l’information auront une influence déterminante sur la conception et l’emploi des systèmes antiaériens. Les radars à balayage électronique ou à formation de faisceau par le calcul autoriseront la surveillance aérienne et des engagements multicibles au moyen des mêmes équipements. Des systèmes multisenseurs utilisant les moyens constamment améliorés de contre-mesures (optronique, électromagnétique et visible) permettront de lutter de plus en plus efficacement contre la variété des cibles, avec une discrétion accrue. L’optimisation des tirs sera assurée grâce à des systèmes globaux de coordination.

Ces procédés recouvrent non seulement la détection et l’identification des cibles, mais également l’évaluation des menaces, la diffusion de l’alerte et l’attribution des objectifs: ils doivent être reliés aux grands systèmes de surveillance aérienne contrôlant les trafics aériens amis.

De telles structures nécessitent la disposition, le traitement et la diffusion d’un grand nombre de données avec des temps de réponse extrêmement réduits; elles doivent être conçues selon une architecture qui permette un commandement aussi proche que possible des unités d’intervention et préserve les possibilités de manœuvre et de progression sur le terrain.

La mise en place de tels systèmes a débuté vers la fin des années 1980 dans les principaux pays de l’O.T.A.N. (Organisation du traité de l’Atlantique nord): MARTHA pour la France, ADCIS pour la Grande-Bretagne, Haflafüsys pour l’Allemagne, FAAD C31 pour les États-Unis. Construits étape par étape, ces systèmes devraient être achevés au début des années 2000.

Par ailleurs, des études à caractère expérimental sont en cours pour mettre au point des systèmes antiaériens encore plus sophistiqués: armes à projectiles hypervéloces; canons électromagnétiques; armes lasers; armes à «micro-ondes».

Bien que les médias se fassent régulièrement l’écho de succès dans ces domaines, leur possibilité d’emploi de manière opérationnelle au cours de conflits localisés ne paraît pas envisageable avant les années 2010.

3. Canons et munitions

C’est à la fin de la Seconde Guerre mondiale et dans les quelques années qui ont suivi que la défense antiaérienne à base de canons (on disait alors la D.C.A.: défense contre avions) a connu son apogée, tant dans le domaine terrestre que dans le secteur naval.

Puis, très rapidement, les limitations de portée et de précision ainsi que la nécessité d’une cadence de tir élevée consommatrice de munitions ont freiné considérablement le développement des systèmes canons, concurrencés et dépassés dès lors par les missiles guidés. Peu à peu, le rôle antiaérien des canons s’est ainsi restreint à une complémentarité des missiles: couvrir les secteurs où le missile avait des faiblesses; intervention rapide à très basse altitude et dans les «très courtes portées», c’est-à-dire contre des menaces «surprises» comme les missiles antinavires ou les hélicoptères, ou moyen d’autoprotection ultime contre des éléments hostiles ayant échappé aux missiles. Pour satisfaire ces missions et parce qu’ils peuvent également être utilisés en combat terrestre, les canons forment encore la base de l’équipement antiaérien des marines et des armées de nombreux pays.

La gamme de calibres des canons antiaériens s’étend de 20 mm à 130 mm, les «gros» calibres (de 100 à 130 mm) étant exclusivement réservés aux applications navales. Les calibres de 20 mm, 25 mm, 30 mm, 35 mm, 40 mm, 76 mm sont largement utilisés. Des matériels existent également, notamment dans des pays naguère sous l’influence de l’U.R.S.S., en calibres de 23 mm, 27 mm, 37 mm, 45 mm, 50 mm, 57 mm et 75 mm; il faut également noter, dans la gamme des matériels modernes, le 100 mm français de Creusot-Loire.

L’accroissement de la cadence de tir, par l’augmentation intrinsèque de celle de chaque arme mais aussi par l’emploi de plusieurs tubes accolés, est une constante pour améliorer l’efficacité des systèmes à base de canons. Pour les petits calibres, on arrive ainsi à obtenir des cadences pouvant aller jusqu’à 5 000 coups à la minute (cps/min); certains espèrent même aller au-delà: 6 800 cps/min; mais les cadences de tir se situent généralement entre 1 000 et 2 000 cps/min pour les calibres moyens et moins pour les gros calibres (aux environs de 100 cps/min); alors que, pour des cadences de tir faibles et moyennes, on utilise des alimentations en munitions classiques (culasse), pour les cadences élevées, l’approvisionnement se fait selon le principe gatling (canon multitube).

Les munitions sont également l’objet de perfectionnements constants permettant d’en accroître l’efficacité: munitions sous-calibrées à temps de vol raccourci, obus flèche, recherche d’effets explosifs et incendiaires et de vitesses initiales largement supérieures à 1 000 mètres par seconde. Pour les plus gros calibres, des études en cours permettront très prochainement des obus à correction de trajectoire en vol.

De nombreux industriels tels que le suédois Bofors, les allemands Rheinmetal et Mauser, l’américain General Dynamics, l’italien OTO Melara, le français G.I.A.T. Industries (Groupement industriel des armements terrestres), le suisse Oerlikon et le russe Z.S.U. maintiennent une activité soutenue dans les études et la production de canons antiaériens.

4. Les systèmes de missiles et leur conduite de tir

Les principes de conception

Traditionnellement, l’habitude a été prise de classer les systèmes sol-air en trois catégories, selon un critère de distance possible d’interception d’une cible:

– les systèmes à très courte portée ou S.A.T.C.P. (de quelques centaines de mètres à 4-5 kilomètres pour les basse et très basse altitudes);

– les systèmes à courte portée ou S.A.C.P. (de quelques centaines de mètres à 10-12 kilomètres pour la basse altitude);

– les systèmes à moyenne portée ou S.A.M.P. (de quelques kilomètres à 40-50 kilomètres pour les haute et moyenne altitudes);

Cette classification simple, qui privilégie le critère de distance, ne fait pas apparaître l’extrême diversité des conceptions et des technologies mises en jeu pour la réalisation des systèmes de missiles et, plus particulièrement, de leur guidage

Dans la pratique, les systèmes actuellement en service ou à l’étude se sont développés autour des principes de guidage suivants: téléguidage par alignement; guidage par autodirecteur, soit pendant tout le vol, soit après une phase de préguidage inertiel.

Téléguidage par alignement

En téléguidage par alignement, le tireur s’efforce, soit par un procédé manuel, soit à l’aide d’un automatisme, de maintenir le missile intercepteur sur la ligne tireur-cible. Un dispositif appelé écartomètre mesure l’écart du missile par rapport à la direction de l’objectif. Cette mesure est assurée par un système optique (existence de traceur sur le missile) ou par un système électromagnétique (balise ou répondeur sur le missile); en général, elle est effectuée depuis le poste de tir (téléguidage direct) qui élabore les ordres de correction transmis au missile par une liaison le plus souvent électromagnétique (télécommande). Ce mode de guidage n’exige pas de mesures des distances «poste de tir-cible» ou «poste de tir-missile». Il présente l’avantage d’une sensibilité réduite aux contre-mesures et d’une grande simplicité au niveau du missile, ce qui réduit son coût.

L’alignement poste de tir-cible est réalisé soit optiquement et manuellement par l’action d’un tireur-pointeur, soit automatiquement par un asservissement mettant en œuvre un radar de tir (ou radar de poursuite) dont la particularité est d’émettre l’onde électromagnétique dans un faisceau très fin: des dispositifs appropriés (radar à balayage conique, radar monopulse, radar à balayage électronique) permettent l’asservissement des antennes de ces radars vers les cibles. En revanche, la précision de guidage, donc l’efficacité du missile, se dégrade au fur et à mesure que ce dernier s’éloigne du poste de tir; dans la pratique, cela limite sa portée à une dizaine de kilomètres. Enfin, un tel mode de guidage ne permet pas aisément l’engagement simultané de plusieurs cibles.

Lorsque l’écartométrie peut être réalisée au niveau du missile, par exemple lorsque ce dernier se guide sur un faisceau laser, les inconvénients précédemment cités peuvent être atténués (téléguidage indirect): néanmoins, un tel procédé est souvent tributaire des conditions atmosphériques et de la transmission à travers le jet ou la fumée du propulseur.

Autoguidage ou guidage par autodirecteur

L’autoguidage consiste à donner au missile intercepteur la possibilité, lorsqu’il est en vue de la cible, de se diriger par ses propres moyens vers celle-ci. À cette fin, le missile dispose d’un «autodirecteur», dont la fonction est de détecter la cible par voie électromagnétique ou optronique et de la suivre en permanence. Quand cet autodirecteur exploite directement le rayonnement des cibles, il est qualifié de passif; s’il est nécessaire de l’éclairer, parce que le rayonnement matériel de la cible est insuffisant, on dit qu’il est actif ou semi-actif selon que la source illuminatrice se trouve sur le missile ou sur une plate-forme extérieure.

Les avantages de l’autoguidage sont nombreux: la précision de guidage s’accroît au fur et à mesure que le missile s’approche de la cible; le poste de tir auquel il est associé est plus simple et plus léger, ce qui permet de l’utiliser dans des systèmes portables et le rend moins coûteux. Ce dernier avantage est néanmoins limité par un prix unitaire du missile plus important en raison de la présence de l’autodirecteur, équipement consommable et généralement onéreux.

Par ailleurs, la principale difficulté consiste à rendre le système résistant aux contre-mesures; un traitement élaboré de l’information permet d’y parvenir.

Le guidage mixte

Dès lors que la configuration opérationnelle ne permet plus le téléguidage ou l’autoguidage dès le départ du missile – cible trop éloignée ou trop furtive pour être perçue par l’autodirecteur –, son vol ne peut être guidé dans une première phase que par guidage inertiel. Dans ce cas, le système calcule la trajectoire du missile à partir de la trajectoire estimée de la cible: dès que le missile est en mesure de l’«accrocher» à l’aide de son autodirecteur, il se remet en autoguidage classique. La position de la cible est donnée au missile avant le tir, soit par le système d’arme, soit par un moyen extérieur (aéroporté par exemple). Si la cible évolue, cette information peut être transmise régulièrement au missile (liaison montante).

Efficacité terminale contre les cibles

Toucher la cible était autrefois indispensable pour la détruire ou la neutraliser; avec les fusées de proximité qui permettent le déclenchement des charges explosives placées dans les missiles, il suffit maintenant de passer au voisinage des objectifs. Ces fusées utilisent également le phénomène de détection électromagnétique employé dans les radars; mais, pour des questions de dimension et de portée, elles utilisent d’autres longueurs d’onde, et d’autres systèmes peuvent également être employés (fusées de proximité laser).

5. Contre-mesures: brouillage et leurrage

Pour neutraliser les défenses et échapper au tir des armes de défense antiaérienne, les cibles utilisent, outre leurs capacités de manœuvre et de conditions d’emploi opérationnel spécifique, des méthodes et des moyens de parade: c’est le domaine de la guerre électronique. Dans cette matière critique, les informations sur les matériels en service, les recherches et les travaux en cours sont particulièrement protégés, ainsi que les données quantitatives (performances, puissance, nombre) sur les matériels; mais les principes développés et utilisés pour la protection des aéronefs ne sont pas tous récents, même s’ils ne sont exploités largement que depuis les années 1960. On trouve ainsi:

– des dispositifs d’alerte et de repérage d’une menace antiaérienne (récepteur d’alerte, détecteur de départ de missile...);

– des dispositifs de contre-mesures passives, tels qu’émetteurs de chaffs, de flammes infrarouges ou de fumées, voire de leurres des aéronefs;

– des moyens actifs destinés à brouiller totalement ou partiellement les dispositifs électroniques (radar, autodirecteur) hostiles; mais ces systèmes, bruyants «électroniquement», sont de ce fait assez facilement repérables (brouillage de déception).

- des moyens actifs destinés à leurrer les conduites de tir de missiles et qui permettent aux aéronefs de les tromper au moins momentanément (brouillage de confusion...).

Le mélange et l’emploi judicieux de toutes ces techniques souvent gardées secrètes donnent aux aéronefs modernes, par ailleurs conçus pour être «furtifs», c’est-à-dire aussi indétectables que possible par les radars ou les moyens optroniques, des solutions efficaces de protection contre les missiles.

6. Les principaux systèmes en service

Le nombre de systèmes antiaériens à base de missiles ayant fait l’objet d’études et de réalisations, tant à l’Ouest qu’à l’Est, est extrêmement important; on se bornera à décrire les plus récents qui, sous des versions diverses ou recopiées, sont encore en service dans de nombreux pays. Parce qu’ils sont conçus pour des conditions d’emploi très différentes, on distinguera les systèmes portables en fardeaux de l’ordre de 20 kg et les systèmes installés sur véhicule ou bâtiment: les premiers concernent essentiellement la très courte portée, les seconds peuvent intervenir à toute altitude, de la très courte à la longue portée (quelques centaines de kilomètres).

Les systèmes portables

Les systèmes portables doivent être légers, maniables et robustes. Mis en œuvre par un ou deux hommes, ils sont apparus vers la fin des années 1960: Stinger américain et S.A.M.-7 soviétique utilisés au Vietnam et en Afghanistan. Les Britanniques, quant à eux, ont développé les systèmes Blow Pipe, Javelin et Starstreak. Un peu plus tard, mais toujours transportables en deux ou trois fardeaux, sont apparus le Mistral français et le R.B.S.-70 suédois. La plupart de ces missiles sont de type «tire et oublie», mais quelques-uns sont téléguidés en alignement sur faisceau laser; certains possèdent des têtes actives spécifiques, comme Starstreak. Tous ces missiles existent en différentes versions pour applications terrestres et navales; certains ont été largement recopiés ou font l’objet de versions améliorées (Stinger R.M.P. S.A.-14 et S.A.-16).

Les systèmes à courte portée

Parmi les systèmes à courte portée, on range les Roland et Crotale français, les Rapier, Seawolf britanniques, le R.B.S.-90 suédois, le Chapparral américain, le Tan Sam japonais, l’Aspide italien, ainsi que les S.A.M.-8, S.A.M.-9, S.A.M.-13 et S.A.M.-14 russes, le Seasparrow et l’A.D.A.T.S. américano-suisse.

Étant donné leur dimension et leur masse, les systèmes à courte portée nécessitent, au moins pour les systèmes mobiles à terre, un ou plusieurs véhicules de transport: souvent, en effet, les fonctions de veille et de conduite de tir peuvent être séparées et contrôlées par plusieurs unités de tir de missiles diversement constitués selon l’objectif de défense poursuivi. Le mode de guidage de ces missiles est le plus souvent l’alignement, mais on trouve aussi, notamment sur les matériels russes, des systèmes à autoguidage ou combinant les deux méthodes.

Tous ces systèmes terrestres ont également très souvent des applications «navalisées».

Les systèmes à moyenne portée

Les systèmes à moyenne portée, les premiers mis en service, dès la fin des années 1950, tant à l’Ouest qu’à l’Est, ont depuis lors été constamment améliorés. Pour les matériels terrestres, le Hawk, conçu et construit aux États-Unis et adopté par un grand nombre de pays européens, ainsi que le Patriot devenu célèbre au cours de la guerre du Golfe font partie de cette catégorie. Les russes ont pour leur part développé également de nombreux types: S.A.M.-1, S.A.M.-2, S.A.M.-3, S.A.M.-4, S.A.M.-6, S.A.M.-10, S.A.M.-11, S.A.M.-15.

De nombreux systèmes navals ont également été conçus et sont encore utilisés: Terrier Aegis Standard et Tartar par les États-Unis, Seadart et Sea Slug par la Grande-Bretagne, Masurca par la France et la série des S.A.-N par la Russie.

Compte tenu de la complexité et des coûts de ces matériels, la tendance actuelle est de créer des familles de systèmes sol-surface-air qui, sur la base d’un tronc commun, permettent des applications sur différents porteurs (marins ou terrestres): ainsi en est-il du programme franco-italien F.S.A.F. (avec missiles Aster), destiné à remplacer le Hawk à la fin des années 1990 et à constituer le moyen de défense des frégates antiaériennes futures.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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